lundi 6 juillet 2015

"Pour les fortifs" par Aristide Bruant

Après La Chanson des fortifs par Fréhel voici une chanson d'Aristide Bruant, toujours sur les fortifications, demandant au président de la République de ne pas les démolir ; car à défaut d'avoir joué un rôle défensif elles remplissent finalement une mission sociale.
Ci-dessous, après le texte de la chanson, un reportage très intéressant – Au bord de Paris – d'Éric Vernhes, d'une vingtaine de minutes sur cette enceinte parisienne.

Les fortifications vers la barrière de Clichy - ©Vincent van Gogh - 1887
chemineux : sans domicile, vivant de charité et de menus travaux
batteurs d'antifs : vagabond
Pantinois : Parisiens
purotains, purotins : pauvres, nécessiteux
pieu : lit

Pour les fortifs

M'sieu l'Président d'la république,
Excusez‐moi, si j'vous écris,
Mais, voilà, faut qu'on vous explique
À caus' des fortifs ed' Paris...
Qu'on dit qu'on va les fout' par terre...
C'est pas drôl' pour le populo,
Et j'comprends pas que l'ministère
S'ay' fourré ça dans l'ciboulo...

Au nom des chemineux d' la ville,
Coureurs de ru's, batteurs d'antifs,
Qui sont des centain' et des mille...
Faut pas démolir les fortifs !

La barrière de Clichy et les fortifications - ©Vincent van Gogh - 1887
Les fortifs !... Mais c'est la balade
Des Pantinois, où chaqu' lundi
Les ouvriers, en rigolade,
Vont respirer l'air ed' Bondy
En admirant la bell' nature...
Et s'allonger sur le gazon,
Sous la fumé' des trains d'ceinture
Qui leur obscurcit l'horizon...

Au nom des chemineux d'la ville,
Coureurs de ru's, batteurs d'antifs,
sont des centain' et des mille...
Faut pas démolir les fortifs !


Les fortifs !... C'est la joi' des mômes,
Des malheureux p'tits purotains
Qui peuv'nt pas courir dans les chaumes,
Parc' qu'i's sont des enfants d' putains ;
Parc' que jamais leur moman gangne
Assez pour payer les ch'mins d'fer,
Et qu'i's n'vont pas à la campagne
Mettr' leur petit cul au grand air...

Au nom des chemineux d'la ville,
Coureurs de ru's, batteurs d'antifs,
Qui sont des centain' et des mille...
Faut pas démolir les fortifs !

Les fortifs !... C'est aussi l'asile
Des vaincus, des aînés, des vieux
Qui, n'ayant mêm' pus d' domicile,
Vienn'nt se coucher... là, sous les cieux...
Et, souvent, dans les nuits sereines,
Su' l' talus, qui leur sert de pieu,
I's rêv'nt que c'est la fin d'leurs peines
Et qu'i's sont partis chez l'bon Dieu...

Au nom des chemineux d' la ville,
Coureurs de ru's, batteurs d'antifs,
Qui sont des centain' et des mille...
Faut pas démolir les fortifs !
Paroles et musique d'Aristide Bruant - 1895

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