mercredi 25 juin 2014

Da Cruz, C215, Mesnager et les autres par Richard

Richard nous propose d'élargir son champ d'action sur les street artists opérant ou ayant opéré à La Villette et ainsi de mieux découvrir leurs œuvres. C'est une excellente initiative d'autant que l'actualité street art est très riche actuellement, dans le XIIIe ou à Vitry, entre autres. Merci Richard !

J'ai pensé qu'il serait distrayant voire utile de suivre les artistes de street art qui sont intervenus dans notre quartier, Da Cruz bien sûr, l'enfant du pays, mais aussi C215 et Jérôme Mesnager dans d'autres quartiers de Paris pour illustrer la variété de leurs œuvres. Ce que je propose c'est un petit billet d'actualité qui borne son ambition à enrichir notre culture esthétique qui pourrait, si nos amis le souhaitent, être régulier. Ces billets pourraient être complétés par la découverte de nouveaux spots à Paris et de nouveaux street artists.




Un coup de projecteur sur deux facettes du travail de Da Cruz. 
Trois photographies, tout d'abord, de l'arrière-salle du bar-restaurant Mama Kia. Ce café encore populaire aujourd'hui s'appelait avant d'être vendu par les deux patrons, deux frères espagnols, Les Barreaux verts parce qu'il avait des barreaux verts. C'était un de ces restaurants ouvriers qu'on trouvait dans le quartier avec ses habitués qui venaient sur le zinc boire leur café-calva et déjeuner en prenant le plat du jour.
Rebaptisé, le bar-restaurant est plus "branché" : bières nombreuses, excellentes et pas chères, plat du jour adapté au changement d'époque, musique le samedi dans l'arrière-salle. En live, des groupes rock, jazz etc. plutôt pour les jeunes... quoique.
Da Cruz a fait de Mama Kia son Q.G. Presque tous les jours, il vient boire sa bière avec Marko son complice. Pour faire plaisir à ses potes, les deux patrons du Mama Kia, il a décoré la salle du fond. Nous retrouvons le visage de son "Inca", les cloisonnés qui permettent de faire péter les couleurs. C'est raccord avec le nom du resto, la clientèle, la musique. Bref, un recours au street art d'une grande pertinence (avant, sur le mur du fond était collée une grande photo panoramique de montagne, avec les tables en formica et les chaises bistro, un vrai décor des années 50).



J'ai déjà évoqué dans d'autres billets la qualité de Da Cruz à exploiter les supports. Parmi ceux qu'il se donne figurent depuis plusieurs années des objets du mobilier urbain. Il faut entendre par là, boîtes aux lettres, transformateurs électriques, bacs pour déposer le verre etc. D'autres street artists se sont illustrés dans cette récupération des objets et des formes urbaines, souvent avec humour (cf. interventions sur les panneaux de signalisation, les bandes blanches ou jaunes dessinées sur les chaussées, les cabines téléphoniques... et cela dans de très nombreux pays). Certains street artists s'en sont fait une spécialité et ont acquis une relative renommée. Banski a souvent cédé à cette tentation mais aussi des... centaines d'autres !).

Bref, ce qu'a fait Da Cruz est bien davantage un moyen de marquer son territoire que la volonté de faire une œuvre (la boîte aux lettres de la rue de l'Ourcq a été peinte avec beaucoup de soin, les couleurs sont variées et l'effet est saisissant, preuve de son intérêt esthétique ; bien que peinte depuis des mois, la Poste ne l'a pas repeinte !). La figure de l'Inca sur la boîte aux lettres de l'avenue Jean-Jaurès est plutôt un tag qu'une œuvre. Comme un tag, elle dit aux initiés que Da Cruz est passé par là. 

Autre raison, les boîtes à lettres sont très recherchées par les street artists : c'est un support qui se voit bien et sur lequel on peut faire un pochoir ou une peinture à la bombe aérosol. Vite fait... et souvent mal fait. Dans les deux cas, Da Cruz réserve son territoire (la loi non écrite du graffiti est de ne pas recouvrir l'œuvre d'un collègue, surtout si celui-ci est connu dans le milieu. Loi souvent volontairement bafouée (les crews de graffeurs se font souvent la guerre et marquent leurs passages en dégradant les œuvres des crews concurrents avec des tags. Exemple, la fresque de Da Cruz quai de la Marne récemment taguée).




Paris XIIIe arrondissement, boulevard Blanqui, un mur d'école, une superbe fresque de C215. Nous avons déjà dans ce blog montré des pochoirs que C215 avait collés rue de Thionville (cf. post C215 à La Villette). C'étaient des portraits, très beaux, faits avec peu de couleurs sur des affiches. Une trace des débuts de C215. Aujourd'hui, les fresques de C215 illustrent sa virtuosité dans la réalisation des pochoirs. Sachant qu'à chaque couleur correspond un pochoir, on comprend mieux le travail de l'artiste. J'ai reproduit des détails de la fresque pour montrer que C215 a dépassé le stade du pochoir : il l'utilise en combinaison avec la peinture au rouleau et à la brosse. La fresque est directement peinte sur le mur : à l'affiche collée la nuit subrepticement a succédé un travail de commande de grande qualité. Christian Guémy est aujourd'hui un artiste reconnu qui vit de son art. C'est pour moi le plus grand pochoiriste français.

Mesnager à gauche, Mosko au centre et Nemo à droite

L'homme blanc se promène dans Paris. 
Il joue avec les pochoirs de Nemo et de Mosko et associés sur une gigantesque bâche qui cache l'échafaudage des travaux réalisés actuellement sur la façade de la mairie du XXe arrondissement. Trois pointures du street art enfin reconnues et quasiment institutionnalisées. Les trois artistes sont bien connus des habitants de l'arrondissement, en particulier des habitants des quartiers de Ménilmontant et de Belleville. Connus à une telle enseigne, que Mesnager et Mosko ont décoré la vitrine d'un salon de coiffure et d'un pressing... gratuitement. Le street art déjà inscrit dans le paysage urbain acquiert d'autres statuts : il est récupéré par la publicité (cf. post sur le Pavillon des Canaux), par les institutions politiques et entre dans l'esthétique décorative de notre siècle. 


La dernière photo de ce billet a été prise cette semaine sur les voies de la Petite Ceinture, près de l'ancienne gare de Bagnolet. Elle n'a aucun intérêt du point de vue du street art, d'ailleurs est-ce de l'art ? Mais voir des ados en train de graffer qui essaient leurs caps sur une plante sauvage qui pousse sur le côté de la voie, ce n'est peut-être pas écolo mais c'est beau... et c'est cadeau.

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